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16 septembre 2018

Patrick Rodrigue - prodrigue@lexismedia.ca

Produire plus de bois: Québec devra refaire ses devoirs

Les chercheurs de l’UQAT mettent en doute plusieurs aspects du projet de Stratégie nationale de production de bois

Scierie_Bionor

©Patrick Rodrigue

Selon les chercheurs en foresterie de l’UQAT, le MFFP doit inclure l’aspect artisanal et local dans sa Stratégie nationale de production de bois puisque l’innovation vient souvent de petites entreprises et non de grandes industries. Sur la photo, la Scierie Bionor de Rouyn-Noranda, qui se spécialise dans des produits de niche à partir d’essences locales de bois.

S’il faut en croire les chercheurs en foresterie de l’UQAT, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) devra retourner à sa table de travail s’il souhaite que son projet de Stratégie nationale de production de bois atteigne réellement les effets escomptés. Plusieurs éléments importants seraient en effet trop simplistes, voire inexistants.

Au cours de l’été, le MFFP a tenu des consultations sur un projet de stratégie nationale destinée à augmenter la valeur de l’offre de bois au Québec, notamment par la création d’aires spécifiquement dédiées à la production intensive de bois.

Dans un document d’une dizaine de pages, les chercheurs Yves Bergeron, Nicole Fenton, Osvaldo Valeria, Sophie Laliberté, Pierre Drapeau, Daniel Kneeshaw, Alain Leduc et Timothy Work, de l’Institut de recherche sur les forêts de l’UQAT et de la Chaire industrielle CRSNG-UQAT-UQAM en aménagement forestier durable ont répondu à l’appel. Ils ont cependant reproché au MFFP d’avoir tenu cette consultation en plein été, un moment où à peu près tous les groupes concernés par les enjeux forestiers sont, justement, actifs en forêt.

Fuite en avant

Parmi ses principaux constats, le groupe souligne que, sous sa forme actuelle, la Stratégie vise uniquement à retirer plus de la forêt et non à diminuer la pression qui a produit les problèmes que vit cette même forêt, soit un accès de plus en plus éloigné à la ressource ainsi qu’une perte de qualité du bois. Les chercheurs voient même dans cette volonté une sorte de fuite en avant, alors que, selon eux, l’équilibre entre environnement/société et économie n’est pas respecté.

«Hausser de 4 millions de mètres cubes, d’ici cinq ans, la récolte annuelle de bois ne nous paraît pas un objectif durable, car les niveaux actuels atteignent déjà la limite de ce que la forêt est capable de régénérer naturellement», font-ils valoir.

Proposition irréaliste

Les chercheurs émettent également des doutes quant au réalisme de convertir 25 % de la forêt commerciale du Québec en aires d’intensification de la production ligneuse (AIPL). Comme les retours sur l’investissement seront très longs, surtout en forêt boréale, il ne faut pas y voir une solution miracle, préviennent-ils.

De plus, les AIPL devraient logiquement se traduire par la création de secteurs qui feraient l’objet d’une conservation intégrale ou d’un aménagement respectueux des écosystèmes.

«Pareil exercice n’apparaît pas dans la présente version de la Stratégie», soulignent les chercheurs. De plus, en raison des impacts considérables qu’auront les AIPL sur le paysage, les chercheurs insistent sur l’importance d’impliquer la population, notamment par des consultations publiques avec le BAPE.

Diversifier l’offre

Le groupe estime aussi que le MFFP fait fausse route en considérant d’abord la création de richesse par l’augmentation du volume de bois. «Nous ne sommes pas rassurés sur ce qui va prévaloir comme objectif, écrivent les signataires. Compte tenu que l’offre de bois dépasse largement les volumes récoltés, on devrait miser davantage sur l’augmentation de la qualité, soit des tiges de fort volume et faciles d’accès.»

Les chercheurs croient également que le MFFP aurait avantage à investir dans le développement de nouveaux produits du bois et de stimuler ces marchés, puisqu’un produit unique en son genre, par exemple des composés bois-polymères ou des biocarburants, peut générer beaucoup plus de valeur qu’un simple madrier.

Ils déplorent d’ailleurs l’absence, dans la Stratégie, de toute référence aux autres usages de la forêt ainsi qu’aux produits forestiers non ligneux, comme les champignons, les huiles essentielles ou les produits pharmaceutiques, et le manque de mesures pour développer des produits à partir du bois qui, en raison de son manque de qualité, ne trouve pas preneur et éviter le gaspillage.

Ils insistent également sur l’importance d’inclure l’aspect artisanal et local dans la valorisation du bois. «L’innovation n’arrive pas toujours par les grandes industries, particulièrement dans les régions», font-ils observer.

Le nerf de la guerre

Enfin, pour que le MFFP ait les moyens de ses ambitions, les chercheurs rappellent que les redevances exigées de la part des industriels devront être modulées pour permettre un niveau d’investissements suffisant aussi bien pour préserver la ressource forestière et la développer, mais aussi préserver la biodiversité.

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