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14 janvier 2019

Quand je serai grand, j’aurai mon restaurant!

Jean-Philippe Perrier

Une petite théière de plastique remplie de thé imaginaire, des assiettes de toutes les couleurs disposées maladroitement devant quatre ou cinq animaux en peluche et, bien sûr, une caisse enregistreuse avec un petit micro. Ça y est, mes enfants s’imaginent déjà restaurateurs. Tout semble si simple et pourtant, nombreux sont les éléments auxquels il faut penser quand on ouvre et on gère un vrai restaurant. Mettons un peu de réalisme à ce rêve.

Évidemment, au-delà de la bonne idée, l’étape qui empêche bien des gens de faire le saut dans le monde magique de la restauration est la même que pour bien des rêves: l’argent! En effet, lorsque vous approcherez les institutions financières en mentionnant que vous avez un projet de restaurant, vous risquez de susciter sensiblement la même réaction que lorsque vous avez dit à vos parents que vous seriez astronaute. Mais il faut les comprendre: les statistiques ne jouent pas en votre faveur.

On dit souvent que seulement un restaurant sur cinq franchira la barre des cinq années d’existence et que la marge bénéficiaire moyenne au Québec varie de 2,7 % à 4 % selon l’Association des restaurateurs du Québec. Cela veut dire qu’un établissement doté d’un chiffre d’affaires de 1 M $ par année réalisera de 27 000 $ à 40 000 $ de profits, ce qui ne laisse pas une énorme marge de manœuvre en cas de bris, rénovations ou réaction à un compétiteur. De plus, la banque ou la caisse n’obtient à peu près aucune garantie dans ce genre de dossier.

En gros, pour ouvrir votre restaurant, il vous faut beaucoup de proches qui seront d’accord pour vous prêter leur argent ou, autrement dit, vous offrir du «love money». Gardez ça en tête et commencez à être gentils dès maintenant…

Une fois l’argent en poche, il faut trouver l’équipement, planifier l’aménagement, embaucher le personnel, etc. Les coûts d’un restaurant neuf peuvent varier énormément selon la qualité des équipements, la grosseur du local, le cachet que vous souhaitez donner à l’endroit et beaucoup plus. Disons qu’en moyenne, on parlera de 150 000 $ à 400 000 $. Dans notre cas, notre hotte commerciale nous aura coûté près de 70 000 $ à elle seule et la plomberie pour le gaz naturel et l’eau, environ 30 000 $.

Les dépenses vont vite. Comme cela peut prendre de trois à six mois pour tout réaliser et que l’endroit n’engendre aucun revenu pendant cet intervalle, il faut savoir gérer ses nerfs. Surtout quand c’est le premier resto. Quelle grandeur de salle de bain? Où situer la cuisine? Cuisine ouverte ou fermée? Avec la hotte, on met une entrée d’air ou non? Quel espace laisser entre les tables? Four quatre ronds? Six ronds? Huit? Combien de friteuses? Quel revêtement pour le plancher? Et pour les tables? Alouette! Juste pour ça, prévoyez une diminution de 20 % de densité capillaire sur votre tête et de nouveaux cernes en-dessous de vos yeux.

Maintenant que le local est prêt, vous finalisez votre menu. Mais comment établir le prix? Cela va dépendre du marché, de la qualité des produits utilisés, de l’endroit et de son emplacement ainsi que du type de nourriture. Les restaurateurs peuvent multiplier par trois en moyenne le coût de revient d’une assiette, excluant les salaires. Ça peut paraître beaucoup, mais n’oubliez pas qu’il faut justement payer les employés (de plus en plus cher avec la pénurie de main-d’œuvre), l’électricité, le gaz, le permis d’alcool, les assurances, la compagnie de ménage dans certains cas, le loyer et on pourrait continuer comme ça longtemps. Vous devrez donc bien calculer chaque ingrédient parce que tout se joue là. Si vous vendez 50 000 plats par année, une erreur de 50 cents vous coûtera 25 000 $.

Enfin le jour J arrive et vous voilà ouvert. Vous devrez faire face aux premières semaines et résoudre les nombreux imprévus parce que la réalité est bien différente de votre plan d’affaires. Dans notre restaurant, nous réalisons un chiffre d’affaires trois fois plus grand que ce qui avait été prévu pour notre local. Imaginez les défis au niveau de l’espace! Vous devez non seulement être présent sept jours sur sept au départ, sans oublier que vous travaillez sur le projet depuis déjà six mois.

Puis, vient cette première visite de votre nouvelle peur de restaurateur: le MAPAQ! Pour ceux qui doutent de l’hygiène des restaurants au Québec, sachez que les inspecteurs font des visites surprises régulièrement afin de vérifier plusieurs variables: performance des frigos, propreté générale, eau chaude, conservation des aliments et j’en passe. Même si vous savez que vous êtes en règle, c’est un peu comme retourner votre voiture de location après trois ans: toujours un peu stressant.

Après avoir survécu à votre première journée d’ouverture, le temps est arrivé de couler votre première bière en tant que propriétaire de restaurant. Le thé servi était véritable et les clients n’étaient pas des toutous. Vingt-cinq ans plus tôt, vous en rêviez et ça vous semblait bien plus simple que la réalité. Peu importe, c’est fait! Vous approchez de vos partenaires pour claquer vos bières ensemble et c’est à cet instant… que le lave-vaisselle de la plonge coule partout, jusqu’au sous-sol! Bienvenue dans le merveilleux monde de la restauration!

À moins que vous ne préfériez devenir astronaute, finalement?

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