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03 mars 2021

Jean-François Vachon - jfvachon@lexismedia.ca

«Les bonnes choses ont été faites» - Luc Blanchette

Longue entrevue avec l’ex-directeur économique de la Ville de Rouyn-Noranda

Luc Blanchette

©Ville de Rouyn-Noranda

Même s’il est conscient qu’il reste du travail à faire, Luc Blanchette quitte avec le sentiment du devoir accompli.

Directeur économique de la Ville depuis mai 2019, Luc Blanchette a quitté ses fonctions le 25 février 2021, après presque deux ans à ce poste. Économiste régional et ancien député, il est revenu sur son mandat à la Ville et il dresse les prochains grands défis de Rouyn-Noranda. 

L’homme de 61 ans quitte plus tôt qu’envisagé par la municipalité. «Je suis fier et j’ai aimé mon mandat à la Ville. Je veux prendre soin de mes proches. Je suis nouvellement grand-papa. Je vais prendre soin de moi. Je serai toujours actif, mais plus à temps plein», a-t-il évoqué. 

Après quatre ans comme député dans le gouvernement libéral de Philippe Couillard et un retour dans la fonction publique, puis une pandémie qui s’est invitée, M. Blanchette souhaite penser à lui-même. «On s’investit souvent pour avoir un capital financier à sa retraite, mais un moment donné, il faut aussi penser à soi et à sa santé», a-t-il confié. 

Réalisation 

Quand on lui demande ce dont il est le plus fier, Luc Blanchette n’hésite pas une seconde. «Le plus grand legs, c’est les liens qui ont été créés, la concertation mise sur pied entre le CLD, la SADC et la Chambre de commerce. Dès mon arrivée, on a créé un comité de vigie économique qui se rencontre aux deux semaines. Ce comité en est aussi devenu un de relance économique avec la pandémie», a-t-il expliqué. 

«La concertation, ça ne s’improvise pas. Ça se développe. Ça prend du temps», a-t-il ajouté. 

La montagne de la COVID-19 

Au cours de la dernière année de son mandat, l’économie, autant québécoise que régionale, a subi les contrecoups d’une crise sanitaire sans précédent. «En mars 2020, on pensait perdre 20 % de nos entreprises. Les ressources naturelles sont importantes, mais la ressource entrepreneuriale l’est encore plus», a rappelé M. Blanchette. 

Selon lui, la région a évité le pire, notamment grâce aux entreprises minières, mais également grâce aux entrepreneurs d’ici. «Le fait que les entreprises minières aient maintenu leurs activités et les salaires durant la pandémie ont aussi eu un impact sur certains commerces, qui en ont profité. Il suffit de penser à ceux qui vendent des piscines, des skis de fond, etc.», a-t-il mentionné. 

«Certaines entreprises ont mis de côté des projets d’exportation, mais d’autres en ont profité pour se réorganiser. Il faut aussi souligner que les programmes gouvernementaux, fédéraux et provinciaux, ont aidé les entreprises. Elles ne l’ont pas eu facile, mais ç’a permis d’avoir moins de fermetures et de faillites», a-t-il fait observer. 

Le fait que la Ville de Rouyn-Noranda avait aussi de nombreux projets publics en cours de réalisation a également eu un impact positif. «Sur le plan public, les investissements ont permis de garder notre économie active. On a aussi vu de plus en plus de logements se construire. Mais oui, il est vrai que les prix de ceux-ci sont élevés et je suis d’accord qu’il va falloir développer des logements sociaux pour contrebalancer», a souligné Luc Blanchette. 

Une réponse conjointe à la pandémie 

S’il est si fier de la concertation mise sur pied entre les différents intervenants économiques, c’est que celle-ci a été un facteur important dans la réponse à la crise sanitaire. «On a créé des initiatives comme Zone Rouyn-Noranda. On a mis sur pied des programmes pour développer des plateformes de vente en ligne et de livraison et on en fait la promotion», a-t-il signalé. 

Il note aussi deux autres projets importants qui ont su démontrer l’union des gens d’ici pour les entreprises d’ici. «L’initiative avec la CCIRN pour recenser les équipements de protection individuelle (EPI) est un bel exemple de la générosité des entrepreneurs d’ici. Ensemble, on a utilisé des ressources de la Ville pour s’assurer que chaque entreprise avait été rejointe et faire en sorte que nos travailleurs de la santé aient accès à ces EPI», a-t-il fait savoir. 

«Il y a aussi eu un programme mis sur pied entre la Ville, le CLD, la SADC et Desjardins pour permettre de subventionner la création de sites web et transactionnels pour des entreprises locales», a-t-il enchaîné. 

La pandémie a également permis de tenter l’expérience du centre-ville piétonnier, un projet que la Société de développement commercial du centre-ville de Rouyn-Noranda (SDC-RN) souhaitait depuis longtemps. «Ce fut un des premiers téléphones que j’ai eus quand je suis arrivé en poste. Philippe Dessureault [président de la SDC-RN] voulait mettre sur pied un centre-ville piétonnier. Nos entrepreneurs et nos organismes ont de bonnes idées et c’en fut une intéressante. Il fallait s’asseoir pour présenter un projet pilote au conseil municipal. Grâce à notre travail collectif, on a avancé sur plusieurs dossiers», a évoqué M. Blanchette. 

Toujours aucun plan économique 

Une des critiques importantes à l’endroit de Luc Blanchette est le fait qu’aucun plan économique n’ait été déposé depuis son arrivée à la tête de la direction économique à la Ville. Pour le principal intéressé, il aurait pourtant été facile d’en concevoir un. 

«Un plan économique, la Ville aurait pu le faire toute seule et en avoir un rapidement, mais j’ai toujours cru qu’ensemble, on allait plus loin. On ne veut pas d’un plan économique uniquement pour la Ville, mais pour tout le territoire. Il est donc important qu’il se fasse en consultation», a-t-il soutenu. 

«On préfère vraiment avoir un consensus autour de nos axes de développement. Par exemple, on a de la recherche et de l’innovation avec nos institutions d’enseignement et on ne les appuie pas toujours là-dedans. Ces innovations pourraient portant avoir des impacts positifs sur le développement économiques», a-t-il évoqué. 

«Est-ce que j’aurais aimé que le plan économique soit prêt plus rapidement? Oui. Mais je préfère avoir une mobilisation autour de ce plan plutôt qu’un document sur une tablette» - Luc Blanchette

Des axes ont été tracés 

Dans les consultations tenues avant le début de la pandémie, certains axes se traçaient déjà. «On a des gens d’affaires novateurs. Dans nos consultations, on s’est rendu compte que la dimension environnementale et sociale était vraiment importante pour eux et ç’a été une agréable surprise», a divulgué M. Blanchette. 

De plus, on peut dire que les grands projets commerciaux ne semblent pas avoir été légion. Si la pandémie peut expliquer des ralentissements, Luc Blanchette assure que du travail était fait à ce niveau. S’il ne souhaitait pas les révéler, il a cependant assuré que du travail de démarchage a été fait. 

«Certains projets sont à long terme et prennent plus de temps. Quand on pense à de la prospection, ça ne se fait pas en un mois. Il y a des projets qui s’en viennent, mais il faut prendre le temps de s’assurer que les infrastructures soient en place. Certains sont déjà enclenchés, d’autres se réaliseront possiblement à moyen terme. Le temps nous le dira. Je continue de penser que les bonnes choses ont été faites», a-t-il assuré. 

«On ne pourra jamais enlever toute la bureaucratie» 

Pour Luc Blanchette, le développement économique doit être plus qu’attirer des entreprises en région, mais aussi s’attaquer aux irritants des entrepreneurs qui freinent le développement. 

«On ne pourra jamais enlever toute la bureaucratie; elle est nécessaire à certains points, a soutenu le directeur économique de la Ville de Rouyn-Noranda, qui a quitté ses fonctions le 25 février. Un plan d’urbanisme permet aussi d’avoir une expansion et un développement économique harmonieux. Bien sûr, il reste des améliorations à faire. Il faut notamment atténuer les irritants et la lourdeur, et il y a une volonté de le faire.» 

Pour mieux expliquer l’importance d’un plan d’urbanisme, il cite l’extrémité est de la rue Perreault Est, aux abords de l’avenue Nault. «On y voit de plus en plus d’unités de logement. Si on avait permis la construction de maisons unifamiliales, on n’aurait pas ce développement. Ça prend des orientations intelligentes. Les gens s’attendent à ça», a-t-il expliqué. 

Pénurie de main-d’œuvre 

Un autre des freins au développement est la pénurie de main-d’œuvre, un problème connu depuis fort longtemps. «En 2003, j’avais réalisé une étude sur ce sujet indiquant que la situation serait critique en 2016. Une décroissance de la population était prévue, mais elle n’a pas eu lieu. Une chance parce que la situation serait pire!», s’est rappelé M. Blanchette. 

La pénurie de main-d’œuvre entraîne aussi une pénurie de compétences. «On manque de personnes avec des diplômes collégiaux et universitaires, mais on manque aussi énormément de main-d’œuvre avec des DEP. Il y a un manque de valorisation de la formation professionnelle. Quand tu fais des travaux de rénovation, tu as besoin d’un électricien ou d’un plombier, pas d’un chercheur universitaire», a illustré Luc Blanchette. 

Décrochage scolaire et attrait régional 

Si l’immigration est une solution, il en existe d’autres. «On doit aussi travailler sur le décrochage scolaire et sur le fait d’attirer des travailleurs d’autres régions. Pour l’immigration, il faut souligner le travail extraordinaire que La Mosaïque et Le Carrefour font, mais les employeurs ont aussi une responsabilité. Il faut donc s’asseoir ensemble», a indiqué M. Blanchette. 

Encore là, d’autres freins se dressent sur le développement économique. «La pénurie de main-d’œuvre est un problème complexe parce que d’autres choses jouent aussi sur notre capacité à attirer. La disponibilité des logements et des places en garderie, ce sont des enjeux. Il faut travailler intelligemment», a souligné l’économiste de formation. 

Explorer l’inexploré 

En 2017, Ubisoft annonçait la création de studios de jeux vidéos à Saguenay et à Québec. À ce moment, on avait mentionné qu’un autre studio en région devait être créé d’ici 2027. Est-ce que Rouyn-Noranda pourrait s’imposer comme destination de choix? «Le secteur du numérique est un secteur d’avenir, surtout les programmes à l’UQAT. Il faut créer des conditions pour que les gens restent en région. On doit soutenir des initiatives. Le CLD travaille sur quelque chose à ce niveau», a révélé Luc Blanchette. 

Pour ce dernier, il faut cependant s’appuyer sur ce qui existe d’abord et avant tout. «L’industrie minière a toujours été importante pour notre ville et pour la région. Il faut s’appuyer sur cela pour développer d’autres secteurs. Quand on fait de la prospection, on le dit qu’il y a de l’argent à faire à Rouyn-Noranda», a-t-il fait valoir. 

Quelques conseils 

Avant de partir, M. Blanchette avait deux recommandations à faire. «Je crois au travail d’équipe et de concertation. Je crois qu’embaucher une personne de plus pourrait aider. Par exemple, si on souhaite des alternatives énergiques, si on avait un professionnel pour monter le dossier, ça donnerait un coup de main. Ça permet de mener de fronts de nombreux dossiers», a-t-il confié. 

«Il faut aussi bien rediriger les gens quand ils cognent à notre porte, peu importe à quelle porte ils cognent. Les projets majeurs se retrouvent sur mon bureau, mais il faut s’assurer de travailler main dans la main avec le CLD, la SADC et la CCIRN. On doit être une équipe», a-t-il conclu.

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