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30 juin 2021

Jean-François Vachon - jfvachon@lexismedia.ca

Michel Fortin accroche sa lentille

L’entrepreneur tire sa révérence et ferme son entreprise

Photo Michel Fortin

©Jean-François Vachon - Le Citoyen Rouyn - La Sarre

Après une quarantaine d’années de métier, Michel Fortin met fin à ses activités de photographe professionnel.

Après une quarantaine d’années à épier les Rouynorandiens à travers sa lentille ou leurs lentilles, le photographe Michel Fortin, propriétaire de la boutique Zone Image, accroche son appareil-photo. Le 30 juin, pour une dernière fois, il fermera la porte de son magasin.

Présent depuis 34 ans au même endroit et depuis une quarantaine d’années au centre-ville de Rouyn-Noranda, Michel Fortin était un des vieux de la vieille. «Je suis celui qui a été le plus longtemps au centre-ville avec la même entreprise», a-t-il affirmé. 

L’homme d’affaires a toujours souhaité que son fils reprenne l’entreprise familiale, mais la situation a évolué. «Je gardais le magasin pour lui, mais il a un bon emploi avec des vacances et une conciliation travail-famille qu’il n’aurait pas eues en reprenant l’entreprise. La vie d’entrepreneur, ce n’est pas facile. Il y a des difficultés. Je crois que c’est mieux ainsi», a-t-il avoué. 

Et les défis auraient été nombreux pour l’entreprise spécialisée en photographie: concurrence, chute de la production photo, etc. «La concurrence, elle vient d’Internet. Tu peux avoir un client qui vient, tu lui réponds que tu peux avoir ce qu’il demande dans deux semaines… et il s’en retourne chez lui commander sur Amazon», a indiqué M. Fortin. 

Une vie d’entrepreneur 

Parce que même s’il croit qu’il prend la meilleure décision en fermant, Michel Fortin est un peu déçu de ne pas avoir trouvé un acheteur pour l’entreprise. 

«Pour moi, c’est un deuil. Mais la réalité d’aujourd’hui, c’est que ça prend du capital pour se lancer en affaires. Quand j’ai commencé, j’avais 5000 $ dans les poches et mon père m’avait endossé. J’avais réussi à partir comme ça. Mais je sais pertinemment ce que ça prend pour être entrepreneur et se lancer en affaires. Ce n’est pas facile. J’ai vécu ma passion, mais j’ai dû le faire au détriment de certaines choses», a-t-il évoqué. 

M. Fortin ne croit pas que les boutiques de photographie vont totalement disparaître. «Je pense que la boutique du futur, en photographie, c’est une coopérative de photographes. Ça permet de garantir des fonds et que tous gardent leur indépendance et de profiter ensemble des retombées», a-t-il idéalisé. 

S’il avait quelques conseils, autant à un jeune entrepreneur qu’à un jeune photographe, il serait très simple. «Je lui dirais d’avoir de bons mentors et une famille pour l’épauler s’il se lance en affaires. Je lui dirais aussi de ne de jamais donner l’original d’une photo, mais plutôt une version juste un peu coupée. Avec le numérique, c’est facile de prendre le crédit de quelqu’un», a-t-il confié. 

Le contact humain 

L’entrepreneur a démarré ses activités le 3 juillet 1979. Il s’est retrouvé en photo un peu par hasard. «J’ai commencé la photo comme amateur. Je voulais être cinéaste. Ça m’a amené à travailler à l’audiovisuel à l’école La Source, puis au magasin de photo du centre d’achat», a-t-il relaté. 

Autodidacte, Michel Fortin décide ensuite de partir dans la région montréalaise pour étudier en photographie. «Dans le temps, je lisais les livres des choses que j’avais apprises par moi-même. J’étais plus en avance que ce qui était écrit dans les livres!», a-t-il lancé. 

De retour en région, un an plus tard, il se part en affaires avec une autre personne. C’était le début de son entreprise, qui restera ouverte jusqu’au 30 juin 2021.

«J’ai vécu ma passion. J’ai eu du plaisir. J’ai pris des photos des Huskies, j’ai travaillé à couvrir des conférences de presse, des festivals. J’ai adoré le contact avec les gens. La photo, c’est un point de ralliement» - Michel Fortin

Et sa présence comme photographe lui a permis de couvrir des moments de pur bonheur de plusieurs personnes. Et il se faisait un devoir d’être gentil avec tout le monde. «Tu ne sais jamais ce qui va arriver. La blonde de mon fils, j’ai fait la photo de mariage de ses parents», a-t-il lancé. 

L’homme possède encore beaucoup de photos, qu’il souhaite léguer d’une certaine façon. «Je dois les ressortir. Je veux trouver une façon de mettre ça en ligne ou d’en amener aux Archives nationales», a-t-il fait valoir. 

Un formateur 

Mais le contact humain, c’est aussi plus que cela. Comme entrepreneur, Michel Fortin a vu de nombreuses générations passer par son magasin. «Quand j’engageais quelqu’un, je lui apprenais tout ce que je savais. Je voulais aussi qu’il amène quelque chose au magasin. Et s’il y avait un problème, j’étais toujours proche», a-t-il évoqué. 

«Je pense que j’ai formé la moitié de ma compétition, a-t-il ajouté. J’avais des clients ou des employés qui me demandaient des conseils qui en sont venus à faire de la photo de mariage. Pour moi, c’était important de passer la connaissance.» 

La photo, un monde qui a évolué 

Avec son entreprise, Michel Fortin a été un des témoins privilégiés de l’évolution du marché de la photographie, du moment où les gens venaient porter leur film jusqu’à l’arrivée des appareils-photos sur les téléphones cellulaires. 

Les entreprises spécialisées dans la photographie en région sont plutôt rares. Il faut dire que les belles années sont plutôt loin. «Mais en même temps, a rappelé Michel Fortin, il se fait plus de photos aujourd’hui qu’avant avec les films. À l’époque, on comptait nos poses. On était content de venir chercher nos photos. Aujourd’hui, avec l’instantanéité de la photo, il n’y a plus d’attente. C’est un média différent, mais je n’ai jamais vu autant de photos.» 

C’est aussi pourquoi aujourd’hui, on assiste au retour d’appareil-photo de type Polaroid. «Le numérique a tué la marque Polaroid. À présent, Fuji, avec la photo instantanée, fait un retour. Les gens trippent de voir la photo sortir aussitôt de l’appareil», a confié M. Fortin. 

À l’époque, les films de photographie disparaissaient des étagères à l’approche des différentes fêtes: Noël, Halloween, anniversaire, tout événement amenait l’achat de films. «Quand on imprimait des photos, on faisait du volume. En même temps, les gens voulaient vraiment avoir cela rapidement. Mais faire un bon travail, ça prend du temps», a soutenu Michel Fortin. 

«Il se fait plus de photos aujourd’hui qu’avant avec les films. À l’époque, on comptait nos poses. On était content de venir chercher nos photos. Aujourd’hui, avec l’instantanéité de la photo, il n’y a plus d’attente. C’est un média différent, mais je n’ai jamais vu autant de photos» - Michel Fortin

Encore aujourd’hui, dans certains greniers, les photos sont des souvenirs impérissables. «Qu’il soit en PDF ou en papier, le livre contient les mêmes écrits. Cependant, le livre peut être plus encombrant. C’est pareil pour une photo», a fait valoir le photographe. 

Photo Michel Fortin

©Jean-François Vachon - Le Citoyen Rouyn - La Sarre

Le commerce de Michel Fortin a eu pignon sur rue au centre-ville de Rouyn-Noranda depuis de nombreuses années.

«Avec l’instantané, on peut aussi tout perdre. Avec les iCloud et ces choses-là, on peut réussir à sauvegarder des photos. Mais il faut expliquer à des personnes qu’un disque dur externe, ce n’est pas nécessairement fait pour être branché tout le temps. Le numérique, quand tu le perds, tu le perds pour de bon. Ou tu perds ton appareil cellulaire avec les photos», a-t-il ajouté. 

L’appareil qui a tout changé 

Même la caméra numérique a transformé le marché. «Son arrivée a vraiment nui aux photographes en leur enlevant de l’ouvrage», a souligné M. Fortin. 

Les premières caméras n’offraient toutefois pas la qualité d’aujourd’hui. «Au départ, c’était mieux de travailler en film, puis de numériser les photos. À l’époque, les scanneurs étaient meilleurs que les premières caméras numériques», a indiqué le professionnel de la photo. Puis, les caméras numériques ont fait leur apparition sur les téléphones cellulaires. Le marché de la caméra compacte a alors disparu. 

S’adapter 

Michel Fortin a cependant toujours su répondre à l’évolution de son marché. «J’ai toujours osé évoluer avec les technologies. J’ai eu un des premiers laboratoires numériques au Québec, un investissement de 300 000 $, qui me permettait de développer des films et du numérique», a-t-il fait valoir. 

Encore aujourd’hui, certaines entreprises font appel à ses services. «Il y a un magasin à Joliette qui nous envoyait ses boîtes de films, qu’on numérisait et qu’on lui renvoyait pour qu’il les imprime», a-t-il expliqué. 

Pour compenser la perte de volume liée à la diminution de l’impression de photos ou la vente de caméra compactes, l’entreprise a offert de nouveaux services. «a commencé à transférer de vieux négatifs en fichiers numériques. On a fait du transfert vidéo de VHS, de Beta8, etc. vers des fichiers numériques. On n’avait pas le choix d’évoluer», a fait savoir M. Fortin. 

Le bon appareil 

Les clients ont aussi évolué. «Aujourd’hui, ils arrivent avec une tonne d’informations prises sur des sites internet. Mais en même temps, ce n’est pas parce qu’une personne dit que c’est le meilleur appareil que c’est celui qui convient le mieux à ses besoins. Chaque appareil a ses forces et ses faiblesses. Avec l’expérience, en écoutant le client, avec les lentilles qu’il possède, on a fini par être toujours en mesure de lui trouver le bon appareil», a expliqué le photographe. 

Quoiqu’il en soit, les conseils de Michel Fortin auront marqué de nombreux photographes de la région. 

Commentaires

30 juin 2021

Robert St Amour

Bravo Michel pour cette magnifique carrière. Tu représentes un beau symbole d'entreprenariat local qui a su se débrouiller à travers les géants. Finalement, un gros merci pour ton implication souvent bénévole dans notre collectivité.

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