Justice
Retour20 novembre 2021
Dominic Chamberland - dchamberland@lexismedia.ca
Une suspension de 11 jours réclamée pour un policier de Val-d’Or
Reconnu coupable d’usage de la force sans droit contre un adolescent
©Photo: Archives - Le Citoyen Rouyn - La Sarre
Le Commissaire en déontologie policière réclame une suspension de 11 jours; la défense suggère plutôt une journée de suspension et quelques blâmes.
Après avoir longuement entendu les arguments des avocats des deux parties, lors de l'audience virtuelle sur la sanction, la juge administrative Louise Rivard devra déterminer quelle punition sera imposée à l’agent Mathieu Chamberland, de la Sûreté du Québec, déclaré coupable de quatre chefs d’accusation concernant une intervention policière pour tapage nocturne lors d’une fête d’après-bal dans la nuit du 23 au 24 juin 2018, près d’une résidence de Val-d’Or.
À la suite d’un procès en déontologie tenu au cours de l’automne 2020, la juge Rivard avait reconnu, en juillet dernier, la culpabilité de l’agent Chamberland (aucun lien de parenté avec l’auteur de ces lignes), qui était accusé d’intimidation et de menace à l’endroit d’un adolescent (alors âgé de 16 ans), de lui avoir remis un constat d’infraction sans justification et d’avoir utilisé la force sans droit contre lui. Le policier a aussi été jugé coupable d’une accusation d’intimidation et de menace envers les parents du garçon.
«Perte de sang-froid», dit le Commissaire
Pour Me Valérie Deschênes, procureure du Commissaire en déontologie policière, ces infractions méritent une suspension de 11 jours, dont huit pour l’usage de la force. «Le policier intimé a pris l’adolescent à la gorge en le poussant et a fermé la portière (du véhicule de police) sur lui, après lui avoir dit de ne pas le faire ch… et qu’il était armé. Il lui a ensuite remis un constat non justifié par vengeance, et après l’avoir ramené chez lui, il a dit à ses parents que les policiers allaient avoir leur fils à l’œil et qu’il pourrait être détenu au Centre jeunesse», a relaté Me Deschênes en rappelant que le tout avait commencé quand le garçon, passant par là, avait émis une opinion sur une intervention policière.
Citant plusieurs exemples de la jurisprudence en semblable matière, la procureure a fait valoir qu’un policier doit s’assurer de respecter les droits des citoyens, donner l’exemple et afficher une certaine prestance dans l’exercice de ses fonctions, surtout en présence de personnes d’âge mineur. «La société est en droit de s’attendre à plus de jugement de la part d’un adulte, d’autant plus quand il s’agit d’un policier, a-t-elle affirmé. Dans le cas qui nous occupe, on note un manque de retenue, de maturité, et une perte de sang-froid portant atteinte à l’intégrité et à la dignité de la profession. Le policier intimé s’est senti insulté par les propos de l’adolescent, il a agi par mauvaise foi, est intervenu de façon totalement exagérée et a émis un constat non justifié pour avoir le dernier mot et maquiller son geste», a renchéri Me Deschênes.
«Disproportionné», dit la défense
De son côté, l’avocat chargé de défendre Mathieu Chamberland, Me Marco Gaggino, soutient plutôt que le policier mériterait une journée de suspension pour le constat d’infraction sans justification et des blâmes pour les trois autres chefs d’accusation. Selon Me Gaggino, les gestes reprochés à l’agent Chamberland sont beaucoup moins graves que ceux de la jurisprudence cités par la procureure Deschênes.
«Huit jours de suspension pour avoir poussé l’adolescent à la hauteur du cou et fermé la portière pour l’empêcher de prendre place dans le véhicule, ça nous semble disproportionné alors que des gestes beaucoup plus graves dans d’autres cas ont mérité des suspensions d’un ou deux jours», a argumenté l’avocat de l’agent Chamberland en signalant que celui-ci n’avait que cinq ans d’expérience au moment des faits et qu’il n’avait aucun antécédent en déontologie, deux facteurs atténuants selon lui.
Comme autre facteur atténuant, Me Gaggino a affirmé qu’il fallait tenir compte de l’importante couverture médiatique dont l’affaire a fait l’objet, allant jusqu’à nommer des médias et des journalistes qui assistaient à l’audience pour faire remarquer qu’ils étaient assez nombreux. À cela, la procureure du Commissaire en déontologie policière a cru bon rétorquer que l’énorme couverture médiatique n’avait pas été retenue comme facteur atténuant dans le dossier impliquant l’agente Stéphanie Trudeau, alias Matricule 728.
La juge Rivard devrait rendre sa décision dans les prochaines semaines ou les prochains mois.
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