Turnbull, un nom qui fait frémir les malfaiteurs

En route vers le 100e anniversaire de la ville de Rouyn-Noranda l’an prochain, je profite de l’occasion pour vous faire découvrir ou redécouvrir des photos conservées par Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Rouyn-Noranda et l’histoire qui les accompagne.
Par Sébastien Tessier, archiviste-coordonnateur à Bibliothèque et Archives nationales du Québec 

En 1932, le sergent d’état-major Kenneth Hateway Turnbull, âgé de 29 ans, est envoyé à Rouyn-Noranda pour prendre en charge le premier détachement régional permanent de la Police provinciale, la Patrouille de l’Abitibi. Le quartier général est alors situé au coin de la 2e Avenue (aujourd’hui l’avenue Murdoch) et de la 8e Rue. Une toute petite bâtisse au cœur de Noranda (1).  

Turnbull se forge, très rapidement, une bonne réputation à Rouyn-Noranda. On dit de lui qu’il est un policier sain d’esprit, qui connaît son travail et qui ne craint personne. En regardant les photos, on comprend pourquoi. Il a la carrure d’une armoire à glace et la force d’un bœuf… Ou d’un orignal, devrais-je plutôt dire!

Contrairement à ses prédécesseurs, Tobin et Bégin, son mandat principal ne réside pas dans la lutte contre la criminalité liée au trafic d’alcool, à la prostitution et au jeu de hasard. Ses hauts faits d’armes se réaliseront dans la lutte contre le communisme. Il sera un des acteurs principaux des deux conflits ouvriers majeurs qui auront lieu à Rouyn-Noranda durant les années 1930. La grève du Clérion et la grève des Fros en feront voir de toutes les couleurs au sergent Turnbull.   

Le 9 décembre 1933, Turnbull infiltre l’assemblée ouvrière durant laquelle Jeanne Corbin prononce son célèbre discours qui incite les bûcherons à former des lignes de piquetage pour revendiquer de meilleures conditions de travail. Turnbull en fait mention dans son témoignage pendant le procès de Jeanne Corbin, dont le dossier est conservé aux Archives nationales à Rouyn-Noranda. Deux jours plus tard, il est au front face aux grévistes qui, malgré une température de -42 degrés Celsius, sont montés aux barricades. Accompagné des chefs de police de Noranda et de Rouyn, Perreault et Lapointe, Turnbull prend la décision d’utiliser des gaz lacrymogènes pour neutraliser les manifestants. La stratégie fonctionne plutôt bien puisque 71 grévistes sont arrêtés puis forcés de marcher jusqu’à Rouyn, où ils seront détenus temporairement avant d’être transférés vers Amos ou Ville-Marie par avion. 

L’année suivante, ce sont les ouvriers du secteur minier qui se soulèvent, le 12 juin 1934. Un conflit qui est connu sous le nom de la Grève des Fros (pour foreigner) puisqu’il est fomenté par un groupe de travailleurs étrangers de la Noranda Mines. Encore une fois, Turnbull se retrouve au cœur de l’action. Dès le déclenchement du conflit, il se rend à Québec pour aller chercher du renfort. Il constitue une équipe de 23 policiers provinciaux et 10 officiers de la Gendarmerie royale du Canada pour épauler les forces constabulaires locales. Il établit son quartier général temporaire à l’Hôtel Radio, situé pratiquement sur la frontière qui sépare les villes de Rouyn et de Noranda. Ça lui permet de contrôler l’ensemble du territoire. Le conflit est rapidement maîtrisé par les forces de l’ordre au grand détriment des grévistes, qui n’obtiendront pratiquement rien de ce qu’ils revendiquaient.   

La principale réussite de Turnbull est, fort probablement, l’arrestation de Lloyd Nelson, de la Ligue de défense ouvrière du Canada, qui était à l’emploi de la Noranda Mines depuis plusieurs années. Il a été l’un des principaux organisateurs du soulèvement ouvrier.   

Pour plus d’informations sur les arrestations qui ont eu lieu autant durant la grève du Clérion que celle des Fros, je vous invite à venir consulter les archives judiciaires conservées aux Archives nationales à Rouyn-Noranda. Notre équipe se fera un plaisir de vous donner accès aux documents des procès de Jean Corbin, Harry Racketti, George Evoniuk ou Ludovic Sopsic, qui ont tous été des protagonistes de ces combats qui avaient pour but d’améliorer les conditions de vie des ouvriers dans les années 1930. 

Prolongez le plaisir de la découverte! Poursuivez votre exploration et profitez d’une foule de ressources en ligne gratuites sur banq.qc.ca. 

1. François Beaudoin, La Patrouille de l’Abitibi-Témiscamingue, un détachement plus que centenaire. https://www.patrimoine.sq.gouv.qc.ca/Sujet/La-Patrouille-de-lAbitibi-un-detachement-plus-que-centenaire-001