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28 janvier 2020

L’étude de biosurveillance est-elle assez précise?

La Fonderie Horne suggère le recours à plusieurs biomarqueurs au lieu d’un seul

Fonderie Horne

©Photo Le Citoyen – Thierry de Noncourt

La Fonderie Horne souhaite que des enquêtes de biosurveillance soient menées plus régulièrement et qu’elles utilisent plus qu’un biomarqueur afin d’avoir un meilleur portrait de la situation. En juin 2018, le Comité d’éthique de l’INSPQ avait d’ailleurs émis des réserves sur la méthodologie que comptait employer la DSPuAT.

Dans le plan d’action pour la réduction de ses émissions atmosphériques rendu public le 14 janvier, la Fonderie Horne suggère la réalisation d’une étude de biosurveillance qui analyserait plusieurs biomarqueurs au lieu d’un seul, comme c’est actuellement le cas. 

La Fonderie Horne fait observer que sa proposition donnerait des résultats bien plus pertinents et précis que la seule analyse de l’arsenic contenu dans les ongles. Elle serait d’ailleurs prête à s’engager activement dans ce type de recherche. 

«Les résultats des études de biosurveillance nous amènent éventuellement à prendre des décisions importantes au niveau des opérations de l’usine, mais également en lien avec la santé des citoyens du quartier Notre-Dame», a indiqué le directeur au développement durable de la Fonderie Horne, Pierre-Philippe Dupont. 

«Si l’on considère que la dernière étude de biosurveillance avait été menée en 2007 et que la suivante a été réalisée en 2018, il serait préférable qu’elles aient lieu plus fréquemment afin de vérifier s’il y a des effets positifs aux actions que nous mettons en place tout en utilisant plusieurs marqueurs afin d’avoir la meilleure science possible pour prendre des décisions», a-t-il poursuivi. 

Il a d’ailleurs rappelé qu’une étude similaire a lieu présentement près de la mine Giant, à Yellowknife dans les Territoires-du-Nord-Ouest, et celle-ci utilise pas moins de quatre biomarqueurs, soit les ongles de doigts, les ongles d’orteils, l’urine et la salive. Les participants sont aussi interrogés sur leurs habitudes de vie. 

Un «plaidoyer pour ne rien faire» 

Dans un communiqué publié deux semaines après la mise en ligne publique, par la Fonderie Horne, de la version intégrale de son plan d’action, le Comité ARET a déploré le fait que, selon ses membres, il s’agirait d’un «plaidoyer pour ne rien faire». «Nous constatons que le plan ne présente pas de solutions en lien avec les concentrés complexes, source principale d’arsenic émis par la fonderie, a fait valoir la porte-parole de l’organisme, Valérie Fournier. 

Dans un document d’une quarantaine de pages, l’organisme y va de ses propres recommandations, dont la réduction des intrants à fort pourcentage d’arsenic et l’inclusion d’un prétraitement des concentrés complexes pour en extraire l’arsenic avant son traitement dans l’usine de Rouyn-Noranda. 

Un biomarqueur difficile à utiliser 

Le Comité ARET dénonce également l’attitude de la Fonderie Horne à l’égard de l’étude de biosurveillance de 2018. «Le pire, je crois, quand on a des enfants qui sont imprégnés par l’arsenic, a été de constater que la Fonderie Horne dénigrait cette étude et qu’elle soulevait des doutes concernant les résultats et les méthodes utilisées par la DSPu-AT», a lancé Mme Fournier. 

À cet égard, Pierre-Philippe Dupont a tenu à rappeler que l’utilisation des ongles des mains comme unique biomarqueur avait aussi soulevé des questions de la part du Comité d’éthique de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), qui avait été appelé à se pencher sur la méthodologie que les chercheurs de la Direction de santé publique de l’Abitibi-Témiscamingue (DSPuAT) comptaient préconiser dans leur étude de biosurveillance sur le Quartier Notre-Dame. 

«Le Comité d’éthique avait émis des réserves sur l’utilisation des ongles en soulignant qu’il allait être difficile, voire impossible, d’établir des liens avec les effets sur la santé en utilisant ce marqueur-là, alors que les seuils pour l’arsenic urinaire, par exemple, sont déjà bien établis», a-t-il précisé. 

«Comme aucun seuil de maladie à déclaration obligatoire n’existe, le risque lié à la concentration dans les ongles des enfants ne pourra être mesuré» - Comité d’éthique de santé publique 

Pas de donnée représentative ni de seuil d’intervention 

Avant même de procéder à la première phase de l’étude de biosurveillance, la DSPuAT avait soumis volontairement son protocole de recherche au Comité d’éthique de l’INSPQ pour une évaluation de la dimension éthique de son projet de recherche. 

Dans son rapport, rendu public en juin 2018, le Comité d’éthique reconnaissait que l’analyse des ongles pouvait, certes, mesurer l’exposition à l’arsenic au cours des derniers mois, mais il émettait des réserves sur l’analyse des résultats obtenus. 

«La capacité d’interprétation des résultats est limitée puisqu’aucune donnée représentative de la population québécoise ou de la population canadienne pour les enfants de moins de 6 ans n’est disponible et qu’aucun seuil d’intervention de santé publique au Québec n’a été déterminé pour l’arsenic unguéal. Ce volet du projet comporte une dimension exploratoire», est-il inscrit dans le rapport. 

Le Comité d’éthique avait également insisté sur le fait que la méthodologie préconisée par la DSPuAT n’allait pas permettre de mesurer le risque pour la santé lié à la concentration d’arsenic dans les ongles des enfants. 

«Comme aucun seuil de maladie à déclaration obligatoire (MADO) n’existe, le risque lié à la concentration dans les ongles des enfants ne pourra être mesuré. Les données serviront [seulement] à déterminer si les enfants âgés de plus de 9 mois et de moins de 6 ans sont surexposés à ce contaminant, en les comparant à des résultats d’étude sur des enfants exposés et non exposés», est-il indiqué. 

La DSPuAT persiste 

En novembre 2019, le Journal avait questionné la DSPuAT sur les conclusions du rapport du Comité d’éthique de l’INSPQ. Elle avait demandé, entre autres, ce qui l’avait motivée à utiliser l’analyse des ongles, alors que cette méthode avait été qualifiée d’exploratoire par le Comité d’éthique. La DSPuAT n’avait cependant donné aucune réponse sur cet élément précis. 

Le Journal avait aussi demandé si la DSPuAT n’avait utilisé que l’analyse des ongles de mains dans la deuxième phase de son étude de biosurveillance. 

«La DSPuAT n’a utilisé que les ongles dans la seconde phase de l’étude, tel qu’énoncé dans le rapport publié des résultats de l’étude de 2018. L’analyse des ongles est une méthode reconnue et prouvée par la communauté scientifique pour connaître le niveau d’exposition à l’arsenic d’une population», a répondu le Service des communications du CISSSAT. 

Méthode pourtant très peu utilisée 

Pourtant, selon ce qu’il a été possible de découvrir, seules deux études à ce jour au Canada auraient utilisé l’analyse des ongles pour connaître l’exposition à l’arsenic. La première est une étude qui avait été réalisée en 2012 en Abitibi-Témiscamingue sur l’exposition à l’arsenic liée à la consommation d’eau de puits. 

La deuxième analyse, réalisée par l’Université d’Ottawa et toujours en cours, se déroule à Yellowknife. Or, celle-ci utilise pas moins de quatre biomarqueurs. Les chercheurs ont prélevé les ongles des mains et des pieds, la salive et l’urine des participants en plus de leur faire passer un questionnaire sur leurs habitudes de vie. Les résultats préliminaires ont été publiés à la fin de 2019. D’autres résultats doivent suivre en 2020, puis un suivi sera effectué de 2022 à 2027. 

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