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21 mai 2020

Patrick Rodrigue - prodrigue@lexismedia.ca

Il y a 40 ans, huit travailleurs périssaient à la mine Belmoral

L’accident a changé à jamais le visage de la sécurité minière

Belmoral40ans_1

©BAnQ - Fonds MRN

Dans la soirée du 20 au 21 mai 1980, le toit de la mine Belmoral avait cédé, vidant un marécage dans les galeries et piégeant huit mineurs. Il avait fallu plus de deux mois avant de remonter tous les cadavres à la surface.

Il y a 40 ans, dans la soirée du 20 au 21 mai 1980, alors que le Québec venait de statuer sur son avenir lors du référendum, huit travailleurs périssaient dans l’effondrement d’une partie de la mine Belmoral à Val-d’Or. Cette catastrophe, qui a débouché sur une commission d’enquête publique, a changé à jamais le visage de la sécurité minière au Québec.

Vers 22h, alors que 24 mineurs s’affairaient dans des galeries à proximité de la surface, le toit de la mine s’effondre. Immédiatement, des torrents d’eau, de glaise et d’autres débris en provenance du marais qui s’étend juste au-dessus s’engouffrent dans le sol. Seize travailleurs réussissent à échapper à cette marée brune. Les huit autres n’ont pas cette chance et demeurent coincés.

Aussitôt, l’équipe de sauvetage tente de leur porter secours, mais ses efforts sont sans cesse retardés par l’eau et la glaise. Le 3 juin, les dirigeants de la mine déclarent qu’il reste peu d’espoir de retrouver des survivants. Au même moment, le président de Mines Belmoral, Clive Brown, affirme qu’il désire reprendre la production le plus tôt possible, ce qui provoque l’indignation au sein de la communauté.

Il faudra attendre au 21 juin, soit un mois après l’effondrement, avant qu’une caméra descendue dans une galerie par un trou foré ne découvre deux corps partiellement recouverts de boue. Deux jours plus tard, un premier cadavre est remonté à la surface. Plus de deux mois après la tragédie, le 30 juillet, les deux derniers corps des huit victimes sont retrouvés. L’autopsie révèle que les mineurs ont succombé soit à l’asphyxie, soit à la noyade.

Témoignages troublants

Auparavant, le 9 juillet, le gouvernement du Québec, répondant aux nombreuses demandes en ce sens, avait instauré une commission d’enquête publique pour faire la lumière sur les circonstances de l’accident. Présidée par le juge René Beaudry, elle avait tenu à Val-d’Or pas moins de 44 audiences publiques en l’espace de 22 jours, dont 3 à huis clos, durant lesquelles 70 témoins avaient été entendus, dont les 16 survivants.

Les témoignages avaient notamment révélé qu’avant l’effondrement du 20 mai 1980, des problèmes de fuite d’eau avaient été notés depuis fort longtemps. Deux affaissements avaient également eu lieu dans la galerie située juste au-dessus du chantier accidenté. Enfin, la plus récente inspection générale de la mine avait été réalisée en novembre 1978, soit un an et demi avant la tragédie.

Par ailleurs, contrairement à toutes les autres mines alors en opération au Québec, Belmoral n’avait aucun ingénieur à temps plein à son emploi. De plus, selon les témoignages, ni l’arpenteur, ni l’ingénieur, ni le géologue ne possédaient de diplôme dans leurs domaines de compétence respectifs. Enfin, la société minière opérait sans permis d’exploitation, ayant refusé d’investir l’argent nécessaire pour rencontrer les exigences du ministère de l’Environnement. Sans ce permis, elle ne pouvait pas extraire plus de 300 tonnes de minerai par mois, un quota qu’elle ne respectait d’ailleurs pas.

Bonis au rendement

Plus troublante cependant avait été la déclaration de plusieurs travailleurs concernant une complicité tacite entre les dirigeants de la mine et les mineurs afin de négliger volontairement l’application des normes de sécurité pour pouvoir bénéficier de bonis salariaux au rendement. «Plus c’était dangereux, plus ça payait», avait déclaré un témoin. «Le boni au rendement était plus élevé à Belmoral qu’ailleurs. Ça faisait oublier bien des affaires», avait mentionné un autre.

L’ingénieur de la mine avait assuré qu’il ne fixait pas le taux des bonis au détriment des normes de sécurité ou d’entretien de l’équipement, mais avait tout de même admis que ces bonis pouvaient potentiellement mettre en danger la vie des mineurs en les incitant à travailler plus vite et dans des conditions hasardeuses.

Négligence et homicides involontaires

Trois rapports avaient été publiés en mars 1981, en novembre 1981, puis en janvier 1982. Dans ses conclusions, la Commission Beaudry avait statué que Mines Belmoral avait fait preuve de négligence et que les mesures de sécurité déployées à la mine avaient été inadéquates.

Un procès devant juge et jury avait ensuite été intenté contre la société minière. La Couronne soutenait que Mines Belmoral avait été mise au courant des signes avant-coureurs de l’effondrement et qu’elle n’avait pris aucune mesure pour corriger les lacunes. La défense reposait sur deux arguments majeurs. Le premier était que les conditions de travail et les règles de sécurité en vigueur à Belmoral ne différaient pas de celles des autres mines au Québec. L’autre, qui avait été un véritable coup d’éclat dans les procédures, était que si l’ingénieur et les dirigeants de la mine avaient appréhendé un quelconque danger, jamais ils ne seraient descendus sous terre le jour même de l’accident, ce qu’ils avaient pourtant fait.

Au bout de 70 jours, les membres du jury avaient déclaré Mines Belmoral non coupable de toutes les accusations déposées contre elle. Le juge Ivan Mignault, de la Cour supérieure du Québec, avait donc acquitté la société minière de négligence criminelle et d’homicide involontaire.

Des répercussions positives

Au-delà des huit décès, de l’enquête publique et du procès, l’Affaire Belmoral a néanmoins entraîné des répercussions positives sur l’industrie minière du Québec. S’appuyant sur les recommandations de la Commission Beaudry, la CSST (maintenant la CNESST) avait ainsi entièrement revu le Règlement sur la santé et la sécurité du travail dans les mines. Ce règlement est, depuis, en évolution constante.

Cette révision avait été assortie d’un plan d’action en six étapes, destiné à accroître la sécurité des travailleurs miniers. De plus, les inspecteurs exigent désormais que soient appliquées à la lettre les mesures prescrites par le Règlement pour prévenir les effondrements et celles qui visent les travaux d’excavation.

©BAnQ - Fonds MRN

Dans la soirée du 20 au 21 mai 1980, le toit de la mine Belmoral avait cédé, vidant un marécage dans les galeries et piégeant huit mineurs. Il avait fallu plus de deux mois avant de remonter tous les cadavres à la surface.

©BAnQ - Fonds MRN

Les galeries avaient été noyées sous des torrents d’eau et de glaise.

©BAnQ - Fonds MRN

La mine s’était effondrée sur plusieurs dizaines de mètres de profondeur.

©BAnQ - Fonds MRN

Une partie du cratère laissé par l’effondrement du toit de la mine, vue du chemin d’accès.

Commentaires

22 mai 2020

Jacqueline Mireault

Moi je suis une des femmes que son chum a péri le 20 mai je ne pourrai jamais oublier sa.Mais là mine belmoral s’en ai bien sorti pour eux c’était juste des numéros.

25 mai 2020

Laurence

Cet incident m’a enlever toute possibilité de connaître mon grand père ... elle a aussi enlever le père dun petit gars. Malgré tout la tristesse que cela a apporter , il y a aussi un bon côté ! Ajd dans les mines la santé et sécurité est priorité j’y travail et j’aime bien !

8 octobre 2020

Mario Boulanger

Je n'avais que 7 ans à l'époque, mais je me souviens de cet événement tragique qui avait bouleversé toute la région. Malgré cette tragédie qui donna (sans l'avouer) des frissons dans le dos à bien des mineurs de l'époque dont 4 de mes frères et mon père, on se souviendra surtout du courage de certain (héros silencieux) qui ont bravé une mort quasi-certaine pour aller au secours de leur collègues et amis. Je sais qu'il y en a plus d'un, mais pour ma part (corriger moi svp si ma mémoire fait défaut) je citerai M. Clément Laprise qui n'a pas hésité un instant pour descendre dans la mine avec un boom truck alors que la boue s'engouffrait tout autour de lui. Mon père était "tout un bonhomme", mais le courage de Clément l'avait franchement mis sans mots. C'est tout ce dont je me souviens. J'inviterais ceux et celles qui ont une mémoire fidèle de cet événement à profiter de cette rare tribune pour évoquer les souvenirs qu'ils en ont. Après 40 ans, on peu comprendre que la douleur et la colère subsiste toujours chez certains (surtout de la manière que le dossier avait été mené), et je voudrais leur dire en guise de réconfort qu'il n'y a aucun doute au COURAGE de tous ceux qui ont accepter de travailler dans de telles conditions pour faire vivre leur familles. On entend parfois dire, "Fallait vraiment être idiot pour travailler dans de telles conditions". Et bien tant mieux pour ceux qui le pense, ils ont au moins compris la moitié de l'affaire. En 1980 en Abitibi, avec peu ou pas d'éducation, la décision était de travailler pour survivre ou crever. Y a personne des 8 victimes (et leur famille) qui voulait croire en se levant le matin que les 2 options pouvaient arriver en même temps. À Madame Jacqueline Mireault (et au famille des victimes) : Je vous souhaite de trouver la force de remplacer votre peine et votre colère par l'immense sentiment de fierté qui vous revient. Votre famille fait partit des héros silencieux du Québec. Grâce à vous et comme le dit si bien monsieur Rodrigue (l'auteur) "Le visage de la sécurité minière a changé à jamais", au bénéfice de milliers de mineurs d'aujourd'hui et de leur famille.

15 novembre 2020

Bruno Bissonnette

Moi j’ai travaillé à la Belmoral comme ingénieur, de 1986 @ 1989 . On avait aucun pouvoir sur la production à l’exception des ´´ MÉMOS ´´ . C’était plus pour se protéger que pour protéger les mineurs , la direction voulait de la muck c’est tout. J’ai eu la chance de parler avec ceux qui on vécu la tragédie, on dit que les mineurs sortaient par la raice de ventilation, certains n’avais plus de bottes, d’autres en états de choc sont partie à travers bois vers les lumières de Val-d’Or. Au niveau 3 , ils ont vu passé le tracteur de service viré sur le dos . Au même niveau, un mineur à genoux entrain de prier et un autre qui a essayé de traverser par un câble au back mais qui a du rebrousser chemin avant qu’un HÉRO oui un HÉRO vienne les chercher avec le scouptram. Ce type aurait du être décorer de la plus importante médaille canadienne soit la médaille du courage ou l’etoile de la bravoure ou de La Croix de la vaillance. Il n’est pas trop tard pour que le gouvernement du Canada corrige le tir. Malgré tout, cela a apporté le pain et le beurre sur la table. Il y aurait bien d’ autres choses à dire sur la Belmoral. Un jour j’ai posé une question à mon chum Bill Gauthier et la réponse fut ´´ t’es content de ton salaire restons en là . ´´

10 août 2023

Michel Frenette

Lors du cours de minéralurgie 1, donné à Thetford Mines, au printemps de l'année 1979, l'enseignant souligne le fait qu'un technicien à la centrale nucléaire de Three Mile Island a pris une mauvaise décision vis-à-vis la fontai-ne de refroidissement. Ce sera au mois de mai 1980 où je demanderai à un enseignant du département pourquoi le sujet de la tragédie minière de Belmoral n'est pas abordé? Et il me répond que cela ne relève pas de leur res- ponsabilité. Je peux confirmer pour ma part qu'aucun enseignant de la technique minière n'en a glissé un mot.

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